La Filandière

15/11/2022

Les Bois ont frissonné sous les baisers du soir
Et le soir leur sourit de ses lèvres mi-closes,
Et sa main veloutée aux doigts subtils et roses
Se perd aux ruisselis des chevelures noires.

Parmi le nonchaloir des brises langoureuses
Lentement, les collines se baignent de clarté
Et la lune de nacre humide et lumineuse
Surgit des flots lointains. Sa pâle nudité

A des langueurs d'opale et des fraîcheurs d'eau-vive.
D'un geste grave et doux, elle vient recueillir
La laine vaporeuse que les brebis furtives
Du jour ont laissé choir, avant de s'assoupir.

Elle accourt empressée comme une filandière.
Sur les cyprès pareils aux fuseaux de la nuit
Elle tord l'argent clair de sa douce lumière,
Comme un chanvre impalpable et vaguement bleui.

Et tandis que, pensive, entr'ouvrant ses longs cils,
Elle amplifie son geste aux planètes lointaines
Les étoiles parfois s'accrochent dans les fils
Que sa main lente enroule aux grands fuseaux d'ébène

~ Filippo Tommaso Marinetti

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