Réécriture d'Antigone

05/02/2024
Je vous propose une courte réécriture, réalisée il y a déjà un an, de la célèbre pièce de théâtre « Antigone ». Trois publications au total seront effectuées. Ce léger travail avait vocation à être un entraînement, en vue d'un travail plus conséquent, consistant à écrire par moi-même une pièce de théâtre imaginée par mes soins, intégralement en alexandrins...

~ Alexandre Charpentier

Aux premières lueurs de l'aurore dans le palais royal de Thèbes. Antigone, tourmentée par la volonté du roi Créon, qui souhaite enterrer seulement Étéocle et non Polynice, tous deux frères d'Antigone et d'Ismène, accourt vers sa sœur.


ANTIGONE :
Vois, Ismène, ma sœur, comme est cruel Créon,
Il promet à tous ceux qui lui feraient affront,
En offrant un tombeau quelconque à Polynice,
De leur donner la mort dans des affreux supplices !
C'est Étéocle qui reçoit tous les honneurs,
Tandis que moi je n'ai rien d'autre que mes pleurs,
Il sera enterré dans un faste éclatant,
Polynice pour lui n'aura plus que le vent,
Qui sur sa ferme peau tannée par le soleil,
Bercera d'un zéphyr son éternel sommeil,
Le pauvre se verra frappé par cette injure,
Délaissé tel qu'ainsi, privé de sépulture.


ISMÈNE :
Je comprends, tu le sais, ton ardente colère,
Et sais ta volonté d'honorer notre frère,
Mais je ne peux rien faire à l'encontre du Roi,
Car lui désobéir, c'est choisir le trépas.


ANTIGONE :
Mon frère tant aimé est en outre le tien,
Pourquoi donc le laisser face à ce vil dessein ?


ISMÈNE :
Tu es bien intrépide et ta colère ose,
Marcher sur le chemin auquel Créon s'oppose,
Peut-être feras-tu ce qu'insufflent en toi,
Tes pensées engourdies, mais ce sera sans moi.


ANTIGONE :
La famille est pour moi le plus précieux des biens,
Et ainsi nul ne peut m'écarter des chers miens,
Je vois qu'au grand jamais tu ne me soutiendras,
Alors reste à pleurer avec tes soupirs las,
Personne ne pourra m'empêcher de le faire,
J'irai seule enterrer le corps de notre frère.


À peine ces derniers mots furent prononcés, Antigone sort de la pièce et s'en va au loin. On voit sa silhouette disparaître à l'horizon.

Le jour s'est levé depuis peu, Créon apparaît au seuil de son palais et s'adresse à son peuple.


CRÉON :
Thébains, la guerre affreuse a frappé à nos portes,
Il fallut repousser de bien viles cohortes,
Mais par l'aide des dieux, des soldats la bravoure,
Aujourd'hui c'est la paix que nos remparts entourent.
Œdipe l'ancien maître en ces lieux admirés,
Fut juste après sa mort par un fils succédé,
C'est alors qu'un second, d'orgueil tout envahi,
Avec un zèle fou, prestement entreprit,
D'œuvrer pour le pouvoir au mépris de la loi,
Car dans sa vanité il voulut être Roi.
L'on vit ainsi se jouer une lutte sordide,
S'éteingnant dans le sang d'un triste fratricide,
Et c'est donc à moi seul que revenait le trône,
Grâce à l'illustre rang que la gloire me donne.
Que Zeus soit le témoin de mes agissements,
Qu'il guide chaque action sans nul empressement,
Suivant la volonté dictée par ma hauteur,
Étéocle, héros, recevra les honneurs,
Il aura un tombeau, et l'éternelle gloire,
Qui est sienne, toujours, astre de la victoire,
Surplombera nos murs, en sera la gardienne,
Pour que les invasions jamais plus ne surviennent.
Pour le vil Polynice en revanche sachez,
Que jamais plus ne doit cet homme être loué,
Lui qui, rentré d'exil, n'a voulu que la mort,
A trahi ses aïeux, et plus affreux encore,
Sous le joug de l'infâme et par le pire orgueil,
Il conduisit nombreux de citoyens au deuil,
Alors je vous défends, à tous bien chers Thébains,
D'octroyer un tombeau à ce vil assassin. 


Le roi se tourne alors vers son palais et regagne son intérieur fastueux.

À la tombée de la nuit, Antigone va se recueillir sur la dépouille de son frère Polynice, puis pratique le rite funéraire. Elle est surprise par les gardes, qui la capturent et l'emmènent au palais royal, en réveillant Créon pour lui présenter la captive.


CRÉON :
Pourquoi si prestement venez-vous me quérir ?
Pourquoi de mon sommeil me faites-vous sortir ? 


LE GARDE :
Roi, nous avons surpris dans la nuit cette fille,
Qui de larmes mouillait ses limpides pupilles,
Faisant des libations sur le corps étendu,
De Polynice à qui nul culte n'est rendu,
Alors conformément à tes sages propos,
Il nous a semblé bon de briser ton repos.


CRÉON :
Laissez-nous je vous prie, vous pouvez disposer,
Et merci de m'avoir ces méfaits rapportés. 


Le garde sort, suivi par d'autres gardes. Créon se tourne vers Antigone et continue de parler.


CRÉON :
Je fus d'une clarté qu'on ne peut égaler,
Lorsque je proclamai devant tous assemblés,
Qu'il était défendu d'honorer Polynice,
Lui dont la trahison a démontré le vice.
Alors pour ton offense envers toute la ville,
Tu seras condamnée, et il est inutile,
De vouloir attendrir quiconque de mes gardes,
Ou bien de profiter d'une de leur mégarde ;
Vivante tu seras placée dans un tombeau,
Et les pires douleurs t'achèveront bientôt.
J'octroie la permission qu'en un très court parler,
Tu aies les derniers mots que tu voudrais donner.


ANTIGONE :
Je ne suis point honteuse et je suis même fière,
D'avoir œuvré ainsi pour honorer mon frère,
Et je n'ai point de doute au sujet que parmi,
Les Thébains valeureux, naguère réunis,
Nombreux sont ceux qui vont dans le sens où je vais,
Qui ont goûté l'honneur et savent le respect,
Pour beaucoup de ces gens la notion de famille,
Est encrée en leur sein et jamais ne vacille.
Qu'importe la sentence et qu'importe les vents,
Que tu souffles sur moi par des airs insolents,
Mon frère est honoré et c'est tout ce qui compte,
Alors j'attends la mort et son triste décompte.
Qui sait si sous ce sol se trouve la piété ?
Car c'est dans l'au-delà que je vais retrouver,
Mes ancêtres, mon frère, et ceux qui me sont chers,
Ceux qui sont de mon sang, qui sont faits de ma chair,
J'irai donc à la mort comme j'irai chez moi,
Je reverrai les miens par-delà mon trépas.


Les gardes entrent de nouveau dans la pièce et conduisent Antigone vers son châtiment.


~ Alexandre Charpentier

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